Guerreira Lunar -Enemigo Lindo - histoire d'un trauma et art-thérapie

Voici un premier extrait de carnet de croquis, l'histoire d'un de mes traumas de violence sexuelle ainsi que la poésie qui en a découlé, l'art-thérapie comme solution d'expression et de guérison

Dessin au feutre fin aux traits gribouillis représentant une personne sereine
Dessin au feutre fin aux traits gribouillis représentant une personne sereine

À toi, guerrièr(e) qui a été abusé(e), manipulé(e), violé(e), bafoué(e) aujourd’hui, écoute moi.
Tu n’es pas seul(e). Tu n’es pas folle- tu n’es pas fou.
Ce n’est pas ta faute.
Tu es un(e) survivant(e)
Tu t’es relevé(e). Je sais que c’est dur, tu vas y arriver.
Sois douxce avec toi-même, ce(tte) toi du passé, eulle ne savait pas ce que tu sais maintenant.
Tu vas pleurer, tu vas crier, tu vas penser que tu es fou, parce que cette société t’a mal enseigné, parce qu’il nous reste encore à casser pas mal de paradigmes.
Ce n’est pas ta faute.
Tu n’es pas seul(e). Tu n’es pas folle- tu n’es pas fou.
Tu es un(e) survivant(e)
Tu t’es relevé(e). Moi aussi j’ai crié. Moi aussi j’ai pleuré. Moi aussi je suis devenue folle.
Mais c’est fini maintenant, ce temps, et aujourd’hui je parle, je parle pour que d’autres sachent qu’eulles ne sont pas seul(e)s. Je parle pour que peut-être, d’autres reconnaissent en eux des gestes qui ont pu être violents parfois. Parce que nous sommes trop et qu’ils faut que ça cesse.

dessin extrait d'un carnet de croquis où on peut distinguer un visage  au regard hypnotique
dessin extrait d'un carnet de croquis où on peut distinguer un visage  au regard hypnotique

J’ai transformé la haine que je n’arrivais pas à te porter, que je sentais pour moi.
J’ai fait des rituels,
J’ai dansé sur la plage, toutes mes douleurs
J’ai repris des forces, et regardé le ciel, les étoiles, et les vagues.
J’ai chanté pour calmer mon coeur aussi tourmenté.
Qui ne comprenait plus ce qui était bien, ce qui était mal.
Les cicatrices sont là, je les guéris, je n’ai plus honte d’être passée par là.
Guérie, guerrière.
J’ai remis de la couleur dans mon âme, dans mes veines, retrouvé la lumière au bout du tunnel.
J’ai vu dans tes yeux
Le reflet de tes démons
Et tout ce qui me vint
C’est que tu n’es rien qu'un autre enfant blessé.
Qui ne sait pas gérer sa propre obscurité, jusqu’à se noyer, emmenant avec toi
celles que tu ne supportais pas
de voir briller.
Je te souhaite sincèrement, de tout mon coeur que je répare encore
D’un jour te regarder dans le miroir, et affronter tout ce que tu as fait, les conséquences de tes actes, d’un regard éveillé.
Je ne sais pas comment l’univers se chargera de te le faire comprendre,
Je ne sais pas si tu y parviendras. Peut-être pas dans cette vie-là.
Ce n’est pas mon rôle de te guider jusque là.
Je suis guérie, aujourd’hui, je me sens sereine. Je suis en paix avec toi. Je t’ai pardonné. Non pas parce que j’ignore ce que tu m’as fait, mais parce que j’ai pas que ça a faire que de te donner encore de l’énergie à te haïr.
Depuis quelques temps je suis passivement des groupes facebook de backpackeu(r)s en particulier d’Amérique latine.
Ils y dénoncent régulièrement des violeurs, parfois présumés meutriers, joint à une photo d’eux dans leur vie de tous les jours, afin que leurs visages soient connus et les gens avertis du danger potentiel, de ces crimes encore trop tabous.
Et hier, j’y ai vu les photos d’un homme avec qui j’avais eu une relation destructrice lors de mon arrivée au Brésil en 2017.
Dont une que j’avais prise.
Accompagnant les témoignages douloureux de quelques autres de ses victimes.
Il y a des fois où le passé revient à coup de grosse claque dans la gueule.
Pour qu’on regarde droit dans les yeux et que l’on illumine nos moments les plus sombres.

J'ai traduit ce texte de l'espagnol, langue dans laquelle j'avais écrit la lettre pour que l'auteur des violences puisse le comprendre. Quand j’ai vécu cette histoire, j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre, car cette personne avait manipulé assez de gens pour briser ma réputation, et on ne me croyait pas lorsque j’expliquais ce qu’il m’est arrivé. Je le voyais libre, je le voyais avec une autre victime. Il était populaire. Tout le monde l’aimait. Tout le monde le défendait.
Heureusement, un noyau de personne est resté à mes côtés.
Et plusieurs années plus tard, voilà que vient la confirmation, longtemps attendue, et pourtant effrayante.
Je n’étais pas la seule. Nous étions mêmes nombreuses. Trop, avec la même histoire, avec le même démon.
Je me permets de partager un peu d’intimité, pour encourager, d’autres victimes à parler, pour que peu à peu, nous revenions sur certains paradigmes qui fondent la société patriarcale.

Il n'est pas aisé pour moi de vous parler d'un sujet aussi intime, mais je le fais pour ouvrir la parole à toutes les victimes de violences sexuelles et-ou manipulation, etc... Mon carnet de croquis est un peu un journal intime; c'est vraiment de l'art-thérapie et de l'auto thérapie à l'état brut. J'y expose mes pensées, qui parfois viennent sous forme de dessins, de poésie, souvent les deux. Parfois cela crée des chansons.

C'est un outil qui m'est indispensable pour avancer dans mes processus de guérison physique et mentale.