Comment transcender la douleur par l'art thérapie
Voici un extrait intime de mes journaux et carnets de croquis, dans lesquels j'utilise l'art thérapie comme outil afin de transcender la douleur et la transformer. Je parle ouvertement de la vie de malade chronique...


Depuis plusieurs années maintenant, des douleurs chroniques invalidantes ont peu à peu envahi ma vie. D'un naturel plutôt dynamique, enjouée, spontanée, j'ai du m'adapter et apprendre à vivre avec, à transcender la douleur. Le quotidien avec les douleurs chroniques, c'est aussi une fatigue associée, une résistance aux stimuli extérieurs beaucoup plus restreinte, et une adaptation constante. Je partage ici avec vous un peu de mon histoire, qui n'en est qu'une parmi tant d'autres chez les personnes atteintes de pathologies chroniques invalidantes, et qui peut-être résonnera avec certain·es d'entre vous, et mes processus d'art thérapie.
J'ai depuis toujours eu des douleurs, petite j'avais des douleurs de croissance, mais surtout des migraines qui revenaient constamment. Plus tard, c'étaient des douleurs musculaires. Mon style de vie dynamique et très sportif faisait que j'arrivais à compenser, et je pensais que c'était normal, n'ayant pas vraiment connu autre chose. J'avais ponctuellement des "jours de crise" lors desquels une ou plusieurs parties de mon corps étaient tellement douloureuses que j'avais un mal fou à parfois respirer. Puis, cela passait; et les épisodes étaient plutôt rares.
En 2017, alors que j'étais dans une situation complexe et où j'étais plus vulnérable, au Brésil, une de ces crises est survenue, un peu plus violente et plus longue. Je réussis encore une fois à m'en remettre grâce à mes pratiques de corporelles, mais sans jamais m'en débarrasser complètement. Les rencontres lors de mon périple m'ont amené des professeur·es de Yoga, kinésithérapeutes, etc, qui m'ont enseigné à écouter mon corps et à me prendre en charge de manière indépendante un maximum pour alléger ces soucis.
Cependant les douleurs menstruelles elles aussi devenaient de plus en plus envahissantes, et duraient aussi de plus en plus longtemps.
Petit à petit, le temps de récupération nécessaire devint de plus en plus long, et je n'arrivais plus à compenser par mon style de vie, pourtant on ne peut plus sain. Au fur et à mesure des années, je ne pouvais plus du tout travailler à plein temps sur le long terme. Je ne comprenais pas moi même pourquoi j'avais besoin d'autant de repos, j'ai perdu des logements et emplois à cause de cela, ce qui rajoutait évidemment au stress.
En 2020, après mûre réflexion et suite au premier confinement, j'ai pris la décision de rentrer en France afin de tenter de trouver la raison de mes maux, et peut-être des solutions. Je commençai alors un parcours du combattant, allant d'intolérance à l'incompréhension, car mon corps paraissait encore jeune, musclé et en bonne santé grâce à mon hygiène de vie irréprochable. Je me demandai souvent si "c'était dans ma tête", comme on me l'a si souvent reproché. J'ai alors passé une étape de déni total, où j'ai réessayé de "vivre normalement"; ce qui a bien évidemment généré une augmentation des difficultés.
C'est en août 2022 que je jouai la dernière fois un concert, où il me fallut une semaine pour me remettre. Et à partir de décembre 2022 j'enchaînai les arrêts maladie pour mon job alimentaire pourtant à mi-temps, il n'était plus possible pour moi de marcher sans aide, je ne tenais plus debout ou assise plus de quelques minutes, voire secondes en période de règles, des douleurs neuropathiques totalement aléatoires ressenties comme des coups de couteau, des brûlures ou encore des décharges électriques, m'empêchaient de vivre correctement. J'ai dû aussi apprendre à me servir de mon bras gauche pour les jours où le droit ne fonctionne pas correctement.
En janvier 2023, je reçus un premier diagnostic pour lequel je fus opérée en mai 2023, ce qui m'a légèrement aidée, néanmoins sans résoudre la totalité de mes problèmes. Je suis une rééducation à la marche et pour le bras depuis février 2023. J'ai un handicap reconnu depuis septembre 2023 (assez pour ne pas réussir à travailler "comme tout le monde" et pas assez pour recevoir des aides de l'état), et j'ai fini par recevoir 2 autres diagnostics complémentaires de maladies non reconnues en France en 2024.
En 2023, j'ai réalisé le dessin ci-dessus, pour matérialiser ce que personne d'autre ne pouvait voir. La douleur est invisible, les personnes qui souffrent a priori "sans raison" sont stigmatisées, et au delà de l'impossibilité de se déplacer comme tout le monde ou d'avoir une vie sociale, cela rajoute à l'isolement. Aujourd'hui, je sais que souvent, c'est parce que le fait de souffrir est totalement invisibilisé dans la société. Que ce soient des souffrances physiques ou mentales, il est difficile pour les autres êtres humains de regarder leur manifestation. J'imagine que cela nous renvoie à nos propres souffrances, à la peur de nous aussi endurer ce genre d'expériences.
J'ai voulu matérialiser la douleur par ce dessin, d'abord pour m'aider dans la phase d'acceptation. A la base, j'ai dessiné sans vouloir partager, par honte peut-être, justement car les gens veulent voir beaucoup de choses positives. Peut-être avais-je aussi peur qu'en matérialisant sur le papier, la douleur se fixe à jamais, et je veux nourrir l'espoir qu'un jour je pourrai de nouveau vivre ma vie "comme avant". Toutefois, il est nécessaire de sortir du déni. car oui, les pathologies chroniques, c'est faire le deuil régulièrement. Et le deuil n'est pas linéaire.
Ce dessin montre quelques uns des trajets nerveux qui me font souffrir, mais c'est aussi la matérialisation du genre de visualisation que je peux effectuer pour apaiser les douleurs. A la manière du kitsungi, cet art japonais de réparer ce qui est brisé avec de l'or, je fais régulièrement "circuler" une lumière dorée dans ces trajets nerveux. Je ne sais pas si je le mènerai au niveau de finalisation de mes autres œuvres, le but étant plus une expression brute.
Je vous décris mon parcours pour expliquer cette situation encore complexe, cependant aujourd'hui je suis en paix avec ce que mon corps me fait subir. J'accepte que mon rythme de malade chronique doit s'adapter aux capacités du moment de mon corps, que je dois dédier une grande partie de mon temps à mon alimentation, ainsi qu'au maintien et à l'amélioration de mes capacités physiques lors des moments "calmes". L'équilibre de moins en moins précaire entre résilience, acceptation, mais aussi le progrès dans le respect absolu de mes capacités de l'instant, sous peine de revenir en arrière dans la rééducation. C'est un point absolument délicat entre contrôle et lâcher prise.
Ci-dessous, des extraits de carnet, beaucoup plus intimes, de moments où j'utilise le dessin et/ou l'écriture de manière intuitive pour m'aider à transcender la douleur, ces moments où rien d'autre n'est possible, et où il faut parfois tout mettre en pause, afin de pouvoir doucement repartir à nouveau.
Chaque fois que la douleur revient, revient le processus de son acceptation.
J'ai essayé de la transformer par toutes les manières, et elle est revenue. Lancinante. Spasmodique. Électrique. Poignardante. Brûlante. Irritante.
Fatiguante.
Je l'ai dessinée, dite, criée, pleurée, chantée, dansée, massée, étirée, méditée, exorcisée,... je me suis disciplinée pour ne pas la laisser prendre du terrain, et j'en ai regagné pour un temps.
Elle n'a depuis des années jamais disparu, elle revenait tous les jours, mais elle était moins envahissante.
J'ai testé mes limites, les ai repoussées, j'ai de nouveau goûté à une certaine liberté, et c'était si bon...
Et, la revoilà qui se promène dans mon corps. Alors je l'exprime encore, cette fois ci sur les réseaux sociaux.
Et de nouveau accepter le fait qu'elle m'immobilise maintenant pour recommencer encore le processus de rééducation... et réapprendre à me mouvoir à nouveau, pour revivre en dehors de l'isolement et simplement pratiquer une activité plus de quelques minutes sans devoir m'arrêter pour m'étirer ou m'allonger.
Et repousser de nouveau mes limites, pour pouvoir marcher, danser, écrire, jouer, chanter, peindre, et partager des moments inoubliables avec d'autres êtres humains...!
Patience, discipline,
Pline Pline Pline Pline Pline Pline.







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