Une artiste humaine à l'ère de l'Intelligence Artificielle Générative
La réflexion d'une artiste humaine à l'heure de l'intelligence artificielle générative, sur le manque cruel d'éthique de son utilisation et le questionnement sur l'arrêt du progrès?


Cela fait un moment que je me tâte à écrire un article à ce sujet.
Mais je ne peux plus me taire. A l'heure de l'Intelligence Artificielle générative, les métiers d'art sont touchés. En effet, dans un monde où on privilégie la rapidité et où l'on réduit les budgets liés à la culture, investir dans une oeuvre réalisée par un-e artiste humain-e n'est plus la priorité.
Comment résister en tant qu'artiste humaine dans l'ère de l'IA générative ?
La majorité des gens ne réalisent pas (ou se contrefoutent) du manque d'éthique que l'utilisation de l'IA générative induit. Parler de la consommation d'énergie et d'eau engendrée par ces nouveaux besoins c'est se confronter à des arguments souvent fallacieux, de gens dans le déni de la réalité dans laquelle on vit, et dans laquelle au lieu de diminuer drastiquement nos consommations on trouve des justifications pour continuer. Le vol global des oeuvres utilisées, sans consentement ni dédommagement de leurs auteur-es, est un autre point qui ne devrait même pas être un sujet de débat. Et pourtant, parce que "le progrès", on outrepasse toutes les limites.
Tout cela pour accélérer encore le processus.
Personnellement, voir des images ou vidéos générées par IA me provoque une émotion que je ne connaissais pas, quelque part entre le dégoût et l'horreur. Je ne suis pas seule, je le sais, mais nous sommes apparemment rares à ressentir cela. Et la technologie s'améliore, devenant de plus en plus difficile à percevoir, et lorsque je me fais avoir, j'éprouve un genre de trahison, et même si le contenu que je vois pourrait être intéressant, je ne veux plus.
Et voir que des entreprises comme Etsy, Temu, et compagnie se font de l'argent grâce à tout ça, et de nouveaux "artistes prompt" être exposés dans des galeries, alors que des humains ayant passé des heures à paufiner leurs techniques et à créer des objets, ne peuvent plus faire concurrence. Surtout dans une ère où l'inflation empêche pour la plupart les achats "plaisir".
On est toustes consommateur-ices d'art à nos heures.
Nous écoutons de la musique, nous regardons des films ou des séries, qui ont eux même de la musique et une direction photographique, nous nous divertissons ou nous sommes amenés à réfléchir en lisant, etc. N'est-il pas juste que chacun-e des acteur-ices qui nous permettent de passer des bons moments et de vivre certaines émotions à travers leurs oeuvres soient rémunéré-es de manière juste ?
L'Internet est en train de changer totalement, les résumés IA sont la première chose proposée par les moteurs de recherche, et ils hallucinent (entendre par là créent de fausses infos) la plupart du temps. Et cela va vite : Les contenus des sites internet s'uniformisent et sont générés, et de moins en moins vérifiés. Si nous continuons dans cette direction, l'appauvrissement culturel et cognitif continuera encore, et nous nous dirigeons droit vers une Idiocratie, car la tendance à la facilité nous rendra incapables de fonctionner sans ces technologies. Nous avons déjà réalisé l'erreur d'exporter nos savoir-faire pour rendre les productions moins chères, et perdu beaucoup de nos capacités, mais là nous confions la totalité de nos savoirs aux machines ?
On en vient à une époque où il devient difficile d'accéder au milieu d'une foule d'information, le vrai du faux, le réel du virtuel, la fake news de l'information véridique, l'art créé par des humain.es et le faux. On veut produire, de plus en plus, du virtuel, et l'humain est de plus en plus dépendant de ses écrans, alors qu'il ne devrait plus autant lui faire confiance. On manque d'interaction, de sociabilisation, et on va sur des réseaux dits "sociaux", et des applis de rencontre pour se sentir moins seuls. Mais entre nous, nous n'interragissons plus, la barrière des écrans est de plus en plus haute. L'envie de scroller, plus facile que de parler à son voisin.
En tant qu'artiste, et "créatrice de contenu" malgré moi, je fais le choix d'alimenter cette machine, malgré la peur de me faire voler mon contenu, et violer mes droits d'auteurs (cf mentions légales et CGV). En espérant au fond de moi que ce que je "produis" ne soit pas totalement noyé dans les limbes d'un internet mort, qui s'auto alimente, digère et recrache encore plus de contenu.


On n'arrête pas le progrès... ou si ?
Je me demande sérieusement si cette phrase, que j'ai entendue depuis mon enfance, à l'école, dans la culture télévisuelle, les informations, lors de mes études en conception réalisation multimédia, ne devrait pas être remise en question.
Nous vivons dans un monde fini, et l'humain se comporte comme si les ressources étaient illimitées. La démocratisation des LLM dans tous les domaines, le remplacement massif de tout ce qui pouvait être réalisé par des humains, la production d'appareils qui dépendent de l'électricité, de l'eau, qui demandent de saigner à vif et laisser des cicatrices béantes à ciel ouvert sur notre planète, est-ce vraiment cela qu'on veut ? Pourquoi est-ce la norme ?
Pourquoi ne remet-on pas en question ce forcing constant à s'adapter aux nouvelles technologies, pourquoi n'y a-t-il aucun comité éthique qui étudie l'impact écologique, l'impact éthique et moral avant le lancement et la commercialisation voire le matraquage de nouvelle technologie ?
Je me pose ces questions, et je crois que nous sommes à la veille (ou en plein début) d'un schisme civilisationnel, déjà un peu abordé lors de la rupture COVID où l'on a tenté de diviser la population pour leur choix; car on dit "adapt or die". Soit : "adaptez-vous à cette technologie changeante, qui fait que nous sommes obligés de renouveler totalement nos appareils et ressources ainsi que nos ressources mentales pour apprendre de nouvelles manières de fonctionner. Ou mourrez".
Vraiment? Personnellement, ça me donne encore plus envie de revenir au réel, à la terre, à l'animal, à l'humain. Et de balancer téléphone et ordinateur par la fenêtre. Malheureusement je dois résister à cette dernière tentation pour continuer à travailler et vendre mes oeuvres. Et je le fais souffrant d'une forte dissonnance cognitive.
Le fait de confier des tâches créatives à de la technologie va encore accélérer les processus de création et production, mais les corps et la planète ne suivent déjà plus depuis longtemps. Et quel est l'intérêt ? A part couronner l'appauvrissement et l'uniformisation culturelle que la colonisation a commencé depuis bien longtemps (et continue dans l'inconscience la plus globale).
Alors voilà, je lâche ça ici. Qu'en pensez-vous ? Le débat est ouvert.
En attendant, si vous souhaitez soutenir une artiste 100% humaine, 0% IA générative, vous pouvez naviguer sur ma boutique ou me soutenir en suivant les liens ci-dessous.

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